Je suis écrivain professionnel depuis 20 ans. Écrivain de fiction. J’ai fait vivre une multitude de personnages. Dans mes écrits pour adultes. Dans mes écrits pour enfants. Je revisite ces personnages. Que d’investissements. Que de rencontres. J’en suis étonné moi-même. J’ai parcouru les salons du livre de Belgique et des pays étrangers. J’ai pris des trains, des avions, des bateaux. J’ai mangé dans des couloirs de gare et des jardins luxueux. J’ai dormi dans des hôtels de capitales et des chambres de banlieues. J’ai vu certains de mes livres traduits en plus de 27 langues. J’ai accompli mon rêve.


Quelque chose a changé en moi. Sur ma route, j’ai rencontré des hommes et des femmes de chair et d’os. Bien vivants. Ces hommes et ces femmes m’ont raconté des parcours de vie parfois bien plus étonnants que ceux déposés dans des livres de fiction. Je me passionne pour ces hommes et ces femmes. Je me passionne pour ces êtres que la vie n’a pas épargnés mais qui ont saisi leur chance, leur audace, leur utopie. Et ont fait de leur vie une œuvre d’art. Je me passionne pour leurs richesses vécues.


Quelque chose a changé dans mon métier d’écrivain. La fiction m’intéresse moins. Je le sens. Je le ressens. J’ai envie de mettre ma plume au service de l’histoire d’hommes et de femmes qui éprouvent l’envie de se raconter. Se raconter pour transmettre. Pour partager. Pour témoigner. Toute vie est un roman ai-je entendu un jour. Et je crois bien que c’est vrai. A force de me passionner pour l’écriture de biographies, à force de me mettre à l’écoute d’hommes et de femmes dans le cadre privilégié de nos rencontres, à force de transcrire avec mes mots leurs histoires singulières, je me transforme moi-même. J’entre en plein cœur de la réalité de mon interlocuteur. Je marche où il a marché. Je tente de comprendre l’âme qui l’a accompagné sur le chemin de son dépassement, de sa réussite, de son expérience, de sa douleur…


Sur la cheminée de mon bureau, il y a une lettre que Georges Simenon m’a écrite. L’artiste complet qui n’existe pas est celui qui aurait vécu toutes les vies. Lorsque je travaille l’écriture d’une biographie, je vis une vie supplémentaire. J’accompagne la personne qui souhaite transmettre sa vie. J’accomplis ce travail avec beaucoup de respect, de tendresse et de bienveillance. Je pourrais même dire avec beaucoup d’amour. Il faut de l’amour pour tenter de se mettre « à la place de ».


Comme les peintres portraitistes de la Renaissance, je dédie mon art à l'évocation de la parole de l'autre. Je vais de vie en vie. Et j'aime ça.